Qui a peur de la mort ? de Nnedi Okorafor

Who Fears Death
Qui a peur de la mort ?

de Nnedi Okorafor

Editions DAW (2014), 1ère édition VO en 2010
Paru en VF aux éditions ActuSF

420 pages

Nnedi Okorafor est une romancière américaine de science-fiction et de fantasy. Née de parents igbos nigérians, très jeune, elle a l’occasion de voyager au Nigeria. En 2001, elle est diplômée de l’Atelier Clarion Writers (Clarion Workshop), à Lansing, dans le Michigan, et détient un doctorat d’anglais de l’Université de l’Illinois à Chicago. Elle devient professeur associée en littérature et écriture créative à l’Université de Buffalo, dans l’État de New-York, tout en se consacrant à l’écriture d’ouvrages de science-fiction. Elle a obtenu plusieurs prix littéraires et l'un de ses romans Qui a peur de la mort ? fait actuellement l'objet d'une adaptation télévisée pour HBO.

Synopsis

Dans une Afrique post-apocalyptique, la guerre continue de faire rage. Enfant du viol, rejetée par les siens du fait de sa peau et ses cheveux couleur de sable, Onyesonwu porte en elle autant de colère que d’espoir. Seule sa mère ne semble pas étonnée lorsqu’elle se met à développer les prémices d’une magie unique et puissante.

Lors de l’un de ses voyages dans le monde des esprits, elle se rend compte qu’une terrible force cherche à lui nuire. Pour en triompher, elle devra affronter son destin, sa nature, la tradition et comprendre enfin le nom que sa mère lui a donné : Qui a peur de la mort.

Mon avis

Voilà un livre qui me faisait de l’œil depuis un bout de temps. Je comptais profiter des Imaginales pour enfin l’acquérir et me le faire dédicacer par l’autrice, mais je ne suis jamais arrivée à la trouver à sa table, pas de bol. L’adorable Caladhiel m’en a cependant offert un exemplaire pour mon anniversaire et j’ai enfin pu découvrir ce roman. 

À mi-chemin entre magie et technologie, il dépeint un territoire africain post-apocalyptique, Les Sept Rivières, à la société divisée entre deux ethnies. Innovations technologiques et traditions culturelles s’y côtoient, pour un univers dépaysant que l’on accueille avec plaisir. Singulier, le surnaturel à l’œuvre est ancré dans le folklore nigérian, certains points dérivant d’ailleurs de croyances traditionnelles Igbos (une ethnie du sud-est Nigéria dont est issue l’autrice). C’est un cadre encore trop rare dans le paysage de la SFFF.

Nnedi Okorafor nous livre ici une intrigue teintée d’un profond mysticisme, mais en même temps terriblement réaliste. Elle y utilise d’une certaine manière un environnement futuriste pour adresser des problématiques de notre présent, nous offrant en cela un roman très politique. Affrontement ethnique, viol comme arme de guerre, excision, enfants soldats, sexisme, rejet de la différence... l’héroïne, Onyesonwu, évolue dans une société violente par bien des aspects.

Le récit que l’autrice nous livre en est le reflet, l’histoire d’une jeune femme en lutte contre les épreuves auxquelles le monde dans lequel elle vit la confronte. Parce que sa conception s’est faite dans de dramatiques circonstances. Parce qu’elle est différente. Parce qu’elle est née femme et a l’outrecuidance de vouloir plus que ce que la société lui laisse.

Parce qu’elle développe d’étranges capacités aussi et que comme toujours ce que l’on ne comprend pas entraîne peur et haine. Au fil de ses aventures surnaturelles, Onyesonwu apprend à maîtriser ses pouvoirs et se confronte à ses démons et ce que le destin lui réserve.

On pourrait croire que le roman n’est en cela qu’une énième quête initiatique, mais il est tellement plus en même temps. Déjà par les thématiques qu’il aborde et dont je vous ai parlé plus haut, mais aussi par son intensité, les émotions brutes qu’il dégage. C’est un récit qui happe le lecteur autant qu’il retourne. L’autrice ne tombe pourtant jamais dans le pathos, mais fait preuve d’une grande justesse de ton, même dans les moments les plus durs.

C’est un élément que l’on retrouve également au niveau des personnages, réalistes jusque dans leurs imperfections. Onyesonwu, par exemple, aussi héroïque soit-elle, n’en est pas moins propre à se laisser entraîner sans réfléchir par ses émotions, colérique parfois même. Mais ce sont justement ces faiblesses qui apportent de la densité au personnage, la rendent si humaine dans sa complexité. Elle et les autres protagonistes sont en cela très intéressants à suivre, autant qu’ils nous semblent proches

En bref...

Entraînant, dépaysant, aussi magique que réaliste, incisif et terriblement poignant.

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